Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/279

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voir. Il l’a prise par la taille, d’un bras, toute serrée, côte à côte, la tête tournée vers elle. Alors il pose sa main libre sur son ventre. On voit la forme de ses deux jambes et de son ventre ; on la voit toute dans le geste brutal mais superbe dont il la sculpte.

Ses paroles, martelées, tombent sur elle, plus lourdes.

— Là-bas, parmi les innombrables jardins de la côte, je voulais enfoncer mes doigts dans la terre sombre. Errant, j’essayais de me figurer ta forme et je cherchais le parfum de ta chair. Et je tendais les bras vers le plein espace, pour toucher le plus possible de ton soleil.

— Je savais que tu m’attendais et que tu m’aimais, dit-elle, en une harmonie plus douce mais aussi profonde… Dans ton absence, je voyais ta présence. Et souvent, lorsqu’un rayon d’aurore entrait dans ma chambre et m’atteignait, je pensais que j’étais immolée à ton amour, et je tendais ma gorge au soleil.

Puis elle dit :

— Le soir, dans ma chambre, parfois, en pensant à toi… je m’admirais…

Frissonnant, il sourit.

Il redisait toujours la même hantise avec à peine d’autres mots : comme s’il ne savait rien de plus. Il avait une âme puérile et un esprit borné, derrière la sculpture parfaite de son front et ses immenses yeux noirs où je voyais distinctement la blanche figure de la femme toute proche flotter comme un cygne.