Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/28

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brille le cuivre d’une applique à gaz. Je m’accoude sur la rampe. Un domestique (celui qui sert à table et qui, pour le moment, a un tablier bleu, et est peu reconnaissable avec ses cheveux en désordre), descend en sautillant, de l’étage supérieur, des journaux sous le bras. La fillette de Mme Lemercier monte, la main attentive sur la rampe, le cou en avant comme celui d’un oiseau, et je compare ses petits pas à des fragments de secondes qui s’en vont. Un monsieur et une dame passent devant moi, interrompant leur conversation pour que je ne les entende pas, comme s’ils me refusaient l’aumône de ce qu’ils pensent.

Ces légers événements s’évanouissent comme des scènes de comédie sur lesquelles le rideau tombe.

Je marche à travers l’après-midi écœurant. J’ai l’impression d’être seul contre tous, tandis que je rôde, à l’intérieur de cette maison et cependant en dehors d’elle.

Sur mon passage, dans le couloir, une porte s’est refermée vite, étranglant un rire de femme surprise. Les gens s’enfuient, se défendent. Un bruit qui n’a pas de sens suinte des murs confus, pire que du silence. Sous les portes rampe, écrasé, tué, un rai de lumière, pire que de l’ombre.

Je descends l’escalier. J’entre dans le salon où m’appelle un bruit de conversation.

Quelques hommes, en groupe, disent des phrases, que je ne me rappelle pas. Ils sortent ; resté seul, je les entends discuter dans le couloir. Enfin leurs voix s’anéantissent.

Puis voici qu’une dame élégante entre, avec un