Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/30

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Dans ma chambre, où je suis remonté, l’après-midi s’éternise, et pourtant le soir vient.

De ma fenêtre, je regarde le soir qui monte au ciel, ascension si douce qu’on la voit et qu’on ne la voit pas ; et la foule qui s’émiette sur le pavé des rues.

Les passants rentrent dans les maisons auxquelles ils pensent. J’entends, à travers les murs, celle où je suis s’emplir, au loin, d’hôtes légers, de faibles rumeurs.

Un bruit s’est fait entendre de l’autre côté de la cloison… Je me dresse contre le mur et regarde dans la chambre voisine, déjà toute grise. Une femme est là, obscurément.

Elle s’est approchée de la fenêtre, comme moi tout à l’heure, je m’étais approché de la mienne. C’est sans doute le geste éternel de ceux qui sont seuls dans une chambre.

Je la vois de plus en plus ; à mesure que mes yeux s’habituent, elle se précise ; il me semble que, charitable, elle vient.

Elle porte, en ce commencement d’automne, une de ces toilettes claires par lesquelles les femmes s’illuminent tant qu’il y a encore du soleil. Le rayonnement fané de la fenêtre la couvre d’un reflet