Page:Barbusse - Le Feu : journal d’une escouade.djvu/104

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se hâtant, penchée et commençant déjà à sourire ?… Bien qu’il n’y ait encore entre eux que des promesses et des certitudes, elle est à lui, et c’est lui l’homme qui la tiendra dans ses bras.

Et puis, il va nous quitter : il va être appelé à l’arrière, à l’État-Major de la Brigade, où on a besoin d’un malingre qui sache se servir de la machine à écrire. C’est officiel, c’est écrit. Il est sauvé : le sombre futur, que les autres n’osent pas envisager, est précis et clair pour lui.

Il regarde une fenêtre ouverte, qui donne sur le trou noir d’une chambre quelconque, là-bas ; il s’éblouit de cette ombre de chambre : il espère, il vit double. Il est heureux ; car le bonheur prochain, qui n’existe pas encore, est le seul ici-bas qui soit réel.

Aussi un pauvre mouvement d’envie naît autour de lui.

— On n’sait jamais ! murmure Paradis à nouveau, mais sans plus de conviction que les autres fois qu’il a proféré, dans l’étroitesse de notre décor d’aujourd’hui, ces mots démesurés.