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Page:Barckhausen - Montesquieu, l’Esprit des lois et les archives de La Brède, 1904.djvu/111

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que le nombre des ministres sacrés, instruits, zélés, vertueux, devienne trop grand » Je dirai là-dessus que c’est sortir de la question. Il n’est pas douteux que le nombre des prêtres instruits et zélés ne saurait être trop grand parmi les prêtres. Mais il est question de savoir s’il n’est pas possible que le nombre des prêtres ne soit trop grand parmi les citoyens. Avec cette manière de raisonner, un prince ne pourrait jamais réformer ses troupes. On lui dirait toujours : « Sire, le nombre des soldats courageux, hardis, obéissans, disciplinés, ne saurait être trop grand. » J’ajouterai que l’Eglise a défendu contre les hérétiques l’état du mariage avec autant de zèle que l’état de la continence.


Xe Proposition.

« Cette action (le suicide) chez les Romains était l’effet de l’éducation ; elle tenoit à leur manière de penser et à leurs coutumes. Chez les Anglois, elle est l’effet d’une maladie : elle tient à l’état physique de la machine ct est indépendante de toute autre cause. — … Il est clair que les loix civiles de quelques pays peuvent avoir eu des raisons pour flétrir l’homicide de soi-même ; mais, en Angleterre, on ne peut pas plus le punir qu’on ne punit les effets de la démence[1]. »

« Du tems des premiers Empereurs, les grandes familles de Rome furent sans cesse exterminées par des jugemens. La coutume s’introduisit de prévenir la condamnation par une mort volontaire. On y trouvoit un grand avantage : on obtenoit l’honneur de la sépulture, et les testamens étaient exécutés. Cela venoit de ce qu’il n’y avoit pas de loi contre ceux qui se tuoient eux-mêmes. Mais, lorsque les Empereurs devinrent aussi avares que cruels, ils ne laissèrent plus à ceux dont ils voûtaient se défaire, le moyen de conserver leurs biens, et ils établirent que ce serait un crime de s’ôter la vie par les remords d’un autre crime[2]. »

  1. Tome II, pages 23 et 24 : liv. XIV, chap. xii.
  2. Tome III, page 286 : liv. XXIX, chap. ix.