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Page:Barckhausen - Montesquieu, l’Esprit des lois et les archives de La Brède, 1904.djvu/82

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assiégée, doit sans doute avoir des greniers publics, et cette attention est la première attention. Elle est, à cet égard, dans un cas forcé, qui redouble son attention. Mais il n’en faut point dans un grand état. Rien n’est plus dangereux que celle espèce de police lorsqu’elle est faite et conduite avec la négligence naturelle aux hommes. Le blé est une espèce de denrée qui se corrompt si aisément que la vigilance de chaque propriétaire suffit à peine pour le conserver. Or, ceux qui font des greniers publics répondent au peuple de l’événement. Mais que seroit-ce s’il y avoit pis que de la négligence ? Que seroit-ce si le peuple, dans ses malheurs, pouvoit soupçonner ceux qu’il faut qu’il aime.

On a vanté les greniers publics de la Chine, et, quand on a examiné le fond des choses, on n’a trouvé qu’une belle théorie et une pratique abominable : les famines règnent autour des greniers publics[1].

C’est donc une règle qu’il faut laisser, dans les monarchies, la subsistance du peuple entre les mains du peuple, et ne lui donner jamais lieu de penser que sa vie soit précaire. Ce qui n’empêche pas que ceux qui gouvernent n’ayent pour objet principal d’allier la subsistance du laboureur et de l’artisan avec celle du propriétaire des terres.

Je l’ai déjà dit une fois : la prudente administration va rare- ment à son but par les routes que tout le monde peut voir où imaginer. La plupart des bons effets de la nature et de la polilique se produisent sans bruit, et les yeux mêmes de ceux qui les sentent n’en sont pas témoins. Ne découragez point la culture des terres[2]. Ayez connoissance de ce qui vous manque,

    que nous publions est certainement la seconde. La première, qui est de la main de Montesquieu, n’est pas coupée en deux parties, mais présente des. variantes curieuses.

    Elle commence ainsi : Il ne faut point de greniers publics dans les monarchies ; on n’y aime pas assez le peuple. Rien au monde n’est plus dangereux que cette espèce de police, lorsqu’elle est faite et conduite avec la négligence naturelle au gouvernement dont nous parlons. Que seroit-ce s’il y avoit pis que de la négligence ? »

    En marge de ce passage, on lit : « Nouvelle Edition » ; et au-dessous une note biffée : « Pour mes Réflexions ou Le Prince. »

  1. Cet alinéa n’est pas dans la première rédaction.
  2. La première rédaction ajoute ici : « Favorisez l’importation. »