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Page:Barckhausen - Montesquieu, l’Esprit des lois et les archives de La Brède, 1904.djvu/93

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Lorsque l’État est gouverné par des loix, que ses loix ont une allure générale, le salut de l’État est de les suivre. Mais, quand il est sur le point de sa dissolution, les loix sacrées peuvent être le salut de l’Etat, parce qu’elles peuvent redonner de la force aux loix mourantes.

La Loi des XII Tables permet de tuer le patron qui fraude son client[1], et il ne faut pas être étonné que les institutions de Rome permissent de tuer un tyran : c’étoit bien un patron qui fraudoit ses clients[2].

Je ne doute pas que ceci ne fût établi chez les Romains dans tous les cas où la Loi permettoit de tuer : quand le mari surprenoit l’adultère de sa femme ; quand le père étonné voyoit le corrupteur de sa fille ; ou quand un citoyen se précipitoit sur un tyran. N’est-ce pas pour cela que Brutus, frappant César, s’écria : « Cicéron[3] » ? Que celui qui voulut tuer Commode dit tout haut : « Voilà ce que le Sénat t’envoie » ?


VII. Du Développement des Loix[4].

On a vu, dans tout cet ouvrage, que les loix ont des rapports sans nombre à des choses sans nombre. Étudier la jurisprudence, c’est chercher ces rapports. Les loix suivent ces rapports, et, comme ils varient sans cesse, elles se modifient continuelle-

  1. En marge : « Eum infero Jovi maclare. »
  2. Le chapitre sur les Loix sacrées s’arrête ici. L’alinéa suivant se trouve sur une feuille de papier indépendante. Mais au chapitre même est épinglée une note ainsi conçue : « Si les loix sacrées de Numa n’avoient été anéanties, avec toutes les autres qui demandoient le sang d’un citoyen, par la Loi Porcle, elles auroient eu des dangereuses conséquences dans l’état civil ; mais elles furent toutes abrogées dans le gouvernement civil, etc. — Je crois qu’il faudra ôter ces Loix sacrées. »
  3. En note : « Seconde Philippique. »
  4. Ce chapitre, qui est entièrement biffé dans le manuscrit, indique que Montesquieu avait songé quelque temps à finir l’Esprit des Lois par la dissertation sur les successions en Droit romain qui est devenue le livre XXVII de l’ouvrage. — Le titre de ce chapitre est précédé de deux lignes ainsi conçues : Chapitre 17. — De la Formation des loix. ».