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AUGUSTA HOLMÈS ET LA FEMME COMPOSITEUR

envers les musiciennes, on y reconnaîtra, si l’on veut bien ne pas s’en tenir à une attention superficielle, plus de véritable considération, plus d’espoir, plus de confiance, que n’en prouvent les flots d’encens lancés au nez de jeunes artistes, chez lesquelles on provoque, ainsi, une agréable mais dangereuse griserie.

Bien souvent on nous traite comme on traite des enfants irraisonnables, des êtres imperfectibles ou des malades dont on juge l’état désespéré : des gâteries, des approbations, des flatteries exagérées, tel est le régime débilitant auquel on nous abandonne, sans estimer que nous valions la peine d’observations consciencieuses ou de réactifs efficaces ; puis, un jour, l’hiver remplaçant le printemps, on se détourne, avec dédain ou pitié, des faiblesses qu’on a contribué à entretenir[1].

Au sujet d’Augusta Holmès il n’en fut pas tout à fait ainsi, en ce sens qu’elle parut bien réellement intéressante et qu’elle a laissé, chez ceux qui l’approchèrent, le

  1. Il y a plusieurs années, on citait dans un salon les compositions d’une femme des plus réputées ; un jeune musicien ayant émis sur elle un jugement peu flatteur, j’éprouvai le désir de la défendre ; elle ne me semblait pas sans mérite et pour la première fois je l’entendais maltraitée, mais voici que je fus vite à bout d’argument et je ne trouvai plus à opposer à son détracteur que cette piètre phrase : — « Je vous assure que, pour une femme, elle a un certain talent. » – « Ah ! s’écria mon interlocuteur, pour une femme !!… Vous avez bien défini son cas, mais vous lui portez le dernier coup ! » Je restai frappée du peu d’estime qu’en effet je témoignais ainsi à l’égard des musiciennes que sans discuter, tant la chose me paraissait naturelle, je m’étais habituée à classer bien inférieures aux compositeurs hommes. Et une petite mélancolie féminine me vint devant un fait paraissant si irrévocablement établi, si universellement reconnu, si définitivement admis et accepté.