Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/114

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i parlant de pardon et lui enseignant à bénir les leçons amères de la douleur. Il se calme, et se rend, et pardonne d’un coeur tout gonflé d’amertume :

    Je te bannis de ma mémoire,
    Reste d’un amour insensé,
    Mystérieuse et sombre histoire
    Qui dormiras dans le passé !
   . . . . . . . . . . . . . . . .
    Pardonnons-nous ; —je romps le charme
    Qui nous unissait devant Dieu.
    Avec une dernière larme
    Reçois un éternel adieu.

Le vrai pardon se fit encore attendre trois ans. Au mois de septembre 1840, Musset se rendait chez Berryer, au château d’Augerville. Il traversa la forêt de Fontainebleau en voiture, dans une muette contemplation des fantômes qui se dressaient devant lui à chaque tour de roue. Sept ans s’étaient écoulés depuis qu’il avait parcouru ces bois avec George Sand, dans la jeune ferveur de leurs amours, et la vue des lieux témoins de son bonheur versait dans son âme une douceur inattendue. De retour à Paris, il la rencontra elle-même, son inoubliable, dans le couloir des Italiens. En rentrant chez lui, il prit la plume, et écrivit, presque d’un jet, cet incomparable Souvenir (15 février 1841) tout imprégné du respect dû aux « reliques du cœur » et tout plein de l’idée qu’un sentiment vaut par sa sincérité et son intensité, indépendamment des joies ou des souffrances qu’il procure. Diderot avait dit : « Le premier serment que se firent deux êtres de chair, ce fut au