Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/131

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Le vice a été pour moi un vêtement ; maintenant, il est collé à ma peau. Je suis vraiment un ruffian, et quand je plaisante sur mes pareils, je me sens sérieux comme la mort au milieu de ma gaieté. »

Il a perdu la foi avec la vertu. Son séjour dans la grande confrérie du vice en a fait un mépriseur d’hommes, qui ne croit même plus à la cause pour laquelle il a donné plus que sa vie. Il va affranchir sa patrie, offrir aux républicains l’occasion de rétablir la liberté, et il sait que leur égoïste indifférence n’en profitera pas, il sait que le peuple délivré d’Alexandre se jettera dans les bras d’un autre tyran. Cependant il tuera le duc, parce que le dessein de ce meurtre est le dernier reste du temps où il était « pur comme un lis », et que le sang du tyran lavera son ignominie. La scène où il explique à Philippe Strozzi qu’il faut, pour son honneur, qu’il commette un crime inutile, est d’une rare grandeur.

PHILIPPE.

« Mais pourquoi tueras-tu le duc, si tu as des idées pareilles ?

LORENZO.

« Pourquoi ? tu le demandes ?

PHILIPPE.

« Si tu crois que c’est un meurtre inutile à ta patrie, comment le commets-tu ?

LORENZO.

« Tu me demandes cela en face ? Regarde-moi un peu. J’ai été beau, tranquille et