Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/151

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emblant de prendre ses boutades au sérieux. Sa piquante silhouette ferme gentiment une galerie de jeunes filles qui n’a pas de pendant dans notre littérature dramatique. Musset n’avait pas perdu son temps lorsqu’il passait les nuits à valser—pas toujours en mesure, m’affirme une de ses valseuses—et à babiller avec ses danseuses. Tout en discutant la coupe d’une robe ou les règles d’une figure de cotillon, il avait pénétré cet être, fermé et énigmatique comme un bouton de fleur : la jeune fille. Cécile, Elsbeth, Camille, Rosette, Ninon et Ninette, Déidamia, Carmosine et cette petite Marguerite, à peine entrevue, seront ses témoins devant la postérité, quand on l’accusera de s’être complu aux tableaux hardis et aux inspirations sensuelles. Leurs ombres charmantes attesteront que son imagination ne s’était pas dépeuplée de figures virginales, et que jamais l’ulcère du mépris ne rongea secrètement son âme en face de jeunes filles, qu’elles fussent paysannes ou nobles demoiselles.

Elsbeth s’aperçoit qu’elle est romanesque, se le reproche, et se sait en même temps quelque gré de ce défaut. L’intérêt de sa maison exige qu’elle épouse un sot ridicule. Trop bonne et trop droite pour permettre à ses rêves de se placer entre elle et son devoir, elle goûte un plaisir secret à sentir que ce devoir lui est pénible, et qu’elle n’est pas de ces filles positives et froides qui songent gaiement, et non pas ironiquement comme elle, en épousant un malotru : Après tout, je serai une dame, c’est peut-