Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/171

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   Des Haricots. Vendredi.

« O ma chère Brohan ! Je suis dans les fers. Je gémis au sein des cachots. Cela ne m’empêchera pas d’aller vous voir demain samedi. Mais je vous écris cet écrit du fond du système cellulaire. Je suis en ce moment dans ce célèbre Numéro quatorze, qui fut mal gravé dans le Diable à Paris. C’est pour cause de patrouille, car je n’ai tué personne. »

Après ces éclairs de gaieté, il retombait sur lui-même et redevenait morne. Aux trop justes sujets de tristesse que nous avons indiqués s’ajoutaient des ennuis divers, parmi lesquels, au premier rang, son peu de succès. Il était toujours modeste (un peu moins, cependant, en vieillissant) et avait toujours horreur des compliments, au point d’en paraître hautain et dédaigneux : « Vous me parlez, écrivait-il à Mme Jaubert, de gens qui m’exprimeraient parfois volontiers le plaisir que j’ai pu leur faire. Je vous donne ma parole que, sur dix compliments, il y en a neuf qui me sont insupportables ; je ne dis pas qu’ils me blessent ni que je les croie faux, mais ils me donnent envie de me sauver. » A Alfred Tattet, août 1838 : « Et vous aussi, vous me faites des compliments ! tu quoque, Brute ! Mais je les reçois de bon cœur, venant de vous—ne m’appelez jamais illustre, vous me feriez regretter de ne pas l’être. Quand vous voudrez me faire un compliment, appelez-moi votre ami. »

Mais on a beau être modeste, il y a un degré d’