Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/180

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pernicieux. Charmant malgré tout dans ses bonnes heures, et laissant une impression ineffaçable aux échappés de collège qui venaient frapper à sa porte pour contempler le poète de la jeunesse : « Ce n’était plus, écrivait l’un d’eux longtemps après, cette image presque d’adolescent, sorte de Chérubin de la Muse, que David d’Angers nous a conservée dans son admirable médaillon ; mais combien ce beau visage grave, résolu, presque énergique, était différent de ce portrait de Landelle où l’œil atone est sans lumière, où la vie semble épuisée ! Une chevelure encore abondante, mais à laquelle de nombreux fils d’argent donnaient cette couleur incertaine qui n’est pas sans harmonie, couronnait un visage un peu froid et triste au repos, mais que l’esprit, la grâce animaient bien vite, tout en lui laissant une pâleur bistrée où se trahissait le mal dont il était déjà atteint[1] ?

Durant la visite, on parla poésie : « Si ma plume, dit Musset, n’est pas à tout jamais brisée dans ma main, ce n’est plus Suzette et Suzon que je chanterai. » Ses jeunes interlocuteurs ayant fait allusion à l'Espoir en Dieu et à d’autres pages d’une inspiration analogue, il reprit : « Oui, j’ai puisé à cette source de la poésie, mais j’y veux puiser plus largement encore ».

C’est ainsi qu’on aime à se représenter Musset sur

  1. Eugène Asse, Revue de France, 1er mars 1881. La visite de M. Asse doit être placée dans les dernières années de la vie de Musset.