Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/186

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grâce particulière et indéfinissable, une beauté comme celle du monde ancien, un quelque chose qui rappelle la perfection éolienne et ionienne ». Les Contes d’Espagne et d’Italie sont bien extravagants, mais bien vigoureux.

Le jugement sur l’homme est exquis de délicatesse. Il nous aurait rappelé, si nous avions été tenté de l’oublier, qu’on doit parler pieusement des grands poètes : « Quand des hommes pétris de cette argile font quelque chute, dit sir Francis, il ne faut les juger que respectueusement et avec tendresse. Nous qui sommes d’une pâte moins fine et moins sensible, et qui ne pouvons peut-être pas entrer dans les souffrances mystérieuses du génie, dans « ses luttes avec ses anges », nous ne devons pas oublier qu’en un certain sens, mais très réellement, ces hommes-là souffrent pour nous ; qu’ils résument en eux nos aspirations inconscientes, qu’ils mettent devant nos yeux le spectacle de combats plus rudes que les nôtres, et que ce sont vraiment les confesseurs de l’humanité. Nous convenons sans difficulté… que beaucoup des premiers poèmes de Musset, ainsi que la Confession, ne seraient pas à leur place dans un salon anglais ; que ce sont des ouvrages à réserver à ceux-là seuls qui ont assez de courage, assez d’amour de la vérité et de pureté d’âme, pour que ces tableaux des abîmes de la nature humaine profitent à la saine direction de leur vie. Mais, tout cela accordé, nous ne pensons pas qu’on puisse lire Alfred de Musset sans reconnaître dans son génie