Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/22

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les peines de l’existence, ou de jouir avec ardeur de ses joies. Il était déjà, au suprême degré, impressionnable, excitable, et même éloquent, s’il faut en croire son frère Paul. Celui-ci raconte qu’à peine hors des langes, le petit poète en herbe avait des « mouvements oratoires et des expressions pittoresques » pour peindre ses malheurs ou ses plaisirs d’enfant. Déjà aussi, il avait l’« impatience de jouir » et la « disposition à dévorer le temps » qui ne le quittèrent jamais. Un jour qu’on lui avait apporté des souliers rouges et que sa mère ne l’habillait pas assez vite à son gré, il s’écria en trépignant : « Dépêchez-vous donc, maman ; mes souliers neufs seront vieux ». Enfin, il avait déjà des palpitations de cœur et des suffocations.

Il faut des mains intelligentes et légères pour manier ces organisations frémissantes. M. de Musset-Pathay n’était que trop indulgent. Il eût pu dire, lui aussi :

    Quoi qu’il ait fait, d’abord je veux qu’on lui pardonne,
    Lui dis-je, et ce qu’il veut, je veux qu’on le lui donne.
    (C’est mon opinion de gâter les enfants.)

Mais M. de Musset-Pathay n’avait guère le temps de s’occuper des marmots. Il laissa sa femme élever Paul et Alfred[1], et ceux-ci n’y perdirent rien. Ils durent à leur mère une de ces enfances saines et heureuses dont il n’y a rien à dire, et où les événements

  1. Il y eut aussi une fille, mais beaucoup plus jeune que ses frères.