Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/61

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mêmes pendant toute une soirée, et se seront ainsi élevées d’un degré sur l’échelle des créatures.

         NINON.

    L’eau, la terre et les vents, tout s’emplit d’harmonies.
    Un jeune rossignol chante au fond de mon cœur.
    J’entends sous les roseaux murmurer des génies….
    Ai-je de nouveaux sens inconnus à ma sœur ?

         NINETTE.

    Pourquoi ne puis-je voir sans plaisir et sans peine
    Les baisers du zéphyr trembler sur la fontaine,
    Et l’ombre des tilleuls passer sur mes bras nus ?
    Ma sœur est une enfant—et je ne le suis plus.

         NINON.

    O fleurs des nuits d’été, magnifique nature !
    O plantes ! ô rameaux, l’un dans l’autre enlacés !

         NINETTE.

    O feuilles des palmiers, reines de la verdure,
    Qui versez vos amours dans les vents embrasés !

Il y a dans cette petite pièce une grâce rafraîchissante. On n’avait jamais prêté langage plus exquis à l’amour jeune et ingénu. Le duo que Ninon et Silvio soupirent sur la terrasse était un acte de foi, que ne faisaient pas prévoir les Contes d’Espagne et d’Italie, envers la passion chaste et tendre, trésor des cœurs purs. Le poète y est revenu plus d’une fois, et cela lui a toujours porté bonheur.

Le ton changeait encore avec le dernier poème, Namouna, et ne cessait plus de changer, tantôt cynique, tantôt éloquent et passionné, tantôt attendri. Musset y avait mis beaucoup de lui-même, et l’on sait s’il était « ondoyant et divers ». C’est surtout