Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/63

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    Considérez aussi que je n’ai rien volé
    A la Bibliothèque ; —et, bien que cette histoire
    Se passe en Orient, je n’en ai point parlé.
    Il est vrai que, pour moi, je n’y suis point allé.
    Mais c’est si grand, si loin ! —Avec de la mémoire
    On se tire de tout : —allez voir pour y croire.

    Si d’un coup de pinceau je vous avais bâti
    Quelque ville aux toits bleus, quelque blanche mosquée,
    Quelque tirade en vers, d’or et d’argent plaquée,
    Quelque description de minarets flanquée,
    Avec l’horizon rouge et le ciel assorti,
    M’auriez-vous répondu : « Vous en avez menti » ?

               (Namouna.)

Musset savait mieux que personne ce que valait la couleur locale ainsi comprise ; il venait de faire sa description du Tyrol, dans la Coupe et les Lèvres, avec un vieux dictionnaire de géographie.

Il était donc revenu de ses audaces romantiques, mais il ne s’était pas réconcilié pour cela avec les classiques, qu’il continuait à plaisanter :

    L’âme et le corps, hélas ! ils iront deux à deux,
    Tant que le monde ira,—pas à pas,—côte à côte—
    Comme s’en vont les vers classiques et les boeufs.

Placé ainsi entre les deux camps, il ne lui restait plus qu’à être lui-même. A défaut d’un peuple d’admirateurs, il avait sa poignée de fidèles. Ceux-ci avaient perçu, dès le premier jour, l’accent personnel au travers des notes d’emprunt, et ils ne demandaient à l’auteur du Don Juan que d’être Musset, encore Musset, toujours Musset. Sa mère lui conte dans une lettre de 1834 qu’un danseur de sa soeur, un polytechnicien, a dit à celle-ci : « M