Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/73

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tourne encore, et c’est elle, toujours elle, et deux vers de Musset, presque les derniers qu’il ait publiés, remontent à la pensée :

      Ote-moi, mémoire importune,
    Ote-moi ces yeux que je vois toujours !

Ils s’étaient néanmoins brouillés. Musset avait été violent et brutal. Il avait fait pleurer ces grands yeux noirs qui le hantèrent jusqu’à la mort, et il n’était pas accouru un quart d’heure après demander son pardon. La maladie fit tout oublier. Elle ouvre dans leur roman un chapitre nouveau, qui est touchant à force d’absurdité.

Le 5 février, il est tout à coup en danger : « Je suis rongée d’inquiétudes, accablée de fatigue, malade et au désespoir…. Gardez un silence absolu sur la maladie d’Alfred à cause de sa mère qui l’apprendrait infailliblement et en mourrait de chagrin. » (A Boucoiran.) Le 8, au même : « Il est réellement en danger…. Les nerfs du cerveau sont tellement entrepris que le délire est affreux et continuel. Aujourd’hui cependant il y a un mieux extraordinaire. La raison est pleinement revenue et le calme est parfait. Mais la nuit dernière a été horrible. Six heures d’une frénésie telle que, malgré deux hommes robustes, il courait nu dans la chambre. Des cris, des chants, des hurlements, des convulsions, ô mon Dieu, mon Dieu ! quel spectacle ! »

Musset dut la vie au dévouement de George Sand et d’un jeune médecin nommé Pa