Page:Barine - Névrosés : Hoffmann, Quincey, Edgar Poe, G. de Nerval.djvu/124

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est béant sous vos pieds ; il faut que l’inspiration du poème ou du roman naisse des pleurs de petits enfants réclamant leur pain quotidien[1]. »

Raison de plus pour choisir un genre littéraire où l’ont pût se passer d’imagination. L’œuvre de Thomas de Quincey est en harmonie avec les conditions physiologiques et morales qu’on vient de voir. On peut dire de lui, comme d’Hoffmann, que sa voie littéraire était tracée au moment où il se mit à écrire, et qu’il ne pouvait guère faire que ce qu’il a fait.


V

Sa première tentative pour se remettre au travail remonte à 1818. Il avait été nommé rédacteur en chef, aux appointements d’une guinée par semaine, soit 1 300 francs par an, d’une feuille locale fondée par les tories pour combattre « parmi les agriculteurs les infâmes doctrines de Brougham ». Quincey était encore en plein dans les cauchemars de l’opium, et sa direction s’en ressentit. Il nourrissait l’abonné d’histoires de crimes et de comptes rendus de cours d’assises ; beaucoup de numéros ne contenaient pas autre chose. Pour intermèdes à ces horreurs, des articles où le rédacteur en chef « s’efforçait d’élever les fermiers du Westmoreland dans la région des principes philosophiques[2] ». Ses lecteurs n’y comprenaient goutte et réclamaient. Quincey s’entêtait. Il finit par leur répondre dans le journal d’être sans inquiétude ; qu’il était le seul

  1. Œuvres complètes : Oliver Goldsmith.
  2. Japp, De Quincey’s Life.