Page:Barine - Névrosés : Hoffmann, Quincey, Edgar Poe, G. de Nerval.djvu/131

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suivre une piste ; au lieu des preuves que nous attendions, nous lisons que les auteurs de l’Histoire Auguste aimaient trop les anecdotes, et trois ou quatre arguments de même force. L’auteur s’est dérobé, et une idée qui, de son temps, était neuve et originale, a pris l’aspect d’un paradoxe lancé au hasard[1].

Il en est de même pour sa théorie du paupérisme. Quincey en fait « une maladie particulière au monde chrétien ». Il affirme que le christianisme a favorisé son apparition et son développement de plusieurs manières, la principale, la plus malfaisante, ayant été d’encourager les naissances « en protégeant le principe de vie comme un mystère sacré ». N’y avait-il réellement pas d’indigents à Babylone et dans la Rome antique ? La question valait la peine d’être élucidée. Quincey passe outre sans s’y arrêter, sans l’avoir posée, et sa théorie du paupérisme[2] reste aussi une idée en l’air. Tels qu’ils sont, cependant, avec leurs énormes défauts, ses travaux d’histoire font regretter ce qu’ils auraient pu être sans l’opium.

En littérature, il procédait volontiers par généralisations. Il divisait tout ce que les hommes ont jamais composé en deux grandes classes, répondant à deux fonctions distinctes, très différentes, bien qu’en fait elles se mêlent et se confondent souvent : « — Il y a premièrement la littérature-savoir, et, secondement, la littérature-force. La fonction de la première est d’instruire, celle de la seconde de faire mouvoir ; l’une est un gouvernail, l’autre une rame ou une voile. La première ne parle qu’à l’intelligence discursive ; la seconde s’adresse en dernière analyse à l’intelligence supérieure, ou raison, mais toujours à travers des émotions

  1. Philosophy of roman history (1829).
  2. Greece under the Romans.