Page:Barine - Névrosés : Hoffmann, Quincey, Edgar Poe, G. de Nerval.djvu/154

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surface des choses. Elle est le « talisman » auquel nous devons les « révélations intellectuelles[1] » ; nous ne sommes rien tant que nous n’avons pas souffert. Elle est le tremblement de terre avec lequel Dieu « laboure » l’avenir. Il faut des « calamités » pour les desseins d’en haut. « Comprenez bien ceci[2]… Le temps présent et même le point mathématique périt mille fois avant que nous ayons pu affirmer sa naissance. Dans le présent, tout est fini, et aussi bien ce fini est infini dans la vélocité de sa fuite vers la mort. Mais en Dieu il n’y a rien de fini ; en Dieu il n’y a rien de transitoire ; en Dieu il n’y a rien qui tende vers la mort. Il s’ensuit que pour Dieu le présent n’existe pas. Pour Dieu, le présent, c’est le futur, et c’est pour le futur qu’il sacrifie le présent de l’homme. C’est pourquoi il opère par le tremblement de terre. C’est pourquoi il travaille par la douleur. Oh ! profond est le labourage du tremblement de terre ! Oh ! profond, profond est le labour de la douleur ! mais il ne faut pas moins que cela pour l’agriculture de Dieu. Sur une nuit de tremblement de terre, il bâtit à l’homme d’agréables habitations pour mille ans. De la douleur d’un enfant il tire de glorieuses vendanges spirituelles qui, autrement, n’auraient pu être récoltées. Avec des charrues moins cruelles le sol réfractaire n’aurait pas été remué. À la terre, notre planète, à l’habitacle de l’homme, il faut la secousse ; et la douleur est plus souvent encore nécessaire comme étant le plus puissant outil de Dieu ; oui, elle est indispensable aux enfants mystérieux de la terre[3]. »

Les Romains avaient une déesse nommée Levana, « qui conférait au nouveau-né la dignité humaine » et

  1. Suspiria : Vision of life.
  2. Suspiria : Savannah-la-Mar.
  3. Traduction Baudelaire.