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Page:Barine - Névrosés : Hoffmann, Quincey, Edgar Poe, G. de Nerval.djvu/175

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pas lire », le « maître des secrets qui ne veulent pas être dits[1] ». Peut-être ne dépendait-il pas de lui de se livrer ; certaines natures se restent incompréhensibles à elles-mêmes ; leurs instincts sont trop obscurs. Plaignons ceux qui ont la responsabilité de ces sphinx.

En 1815, les Allan allèrent passer plusieurs années en Angleterre. Ils emmenèrent leur protégé, qu’ils mirent dans une pension des environs de Londres, longuement décrite, et délicieusement, dans le conte déjà cité : « Mes premières impressions de la vie d’écolier sont liées à une vaste et extravagante maison du style d’Élisabeth, dans un sombre village d’Angleterre, décoré de nombreux arbres gigantesques et noueux, et dont toutes les maisons étaient excessivement anciennes. En vérité, c’était un lieu semblable à un rêve et bien fait pour charmer l’esprit que cette vénérable vieille ville. En ce moment même je sens en imagination le frisson rafraîchissant de ses avenues profondément ombreuses, je respire l’émanation de ses mille taillis et je tressaille encore, avec une indéfinissable volupté, à la note profonde et sourde de la cloche, déchirant à chaque heure, de son rugissement soudain et morose, la quiétude de l’atmosphère brune dans laquelle s’enfonçait et s’endormait le clocher gothique tout dentelé. »

Ce poétique village abritait la plus poétique des pensions : — « La maison ! — quelle curieuse vieille bâtisse cela faisait ! — Pour moi, quel véritable palais d’enchantement ! Il n’y avait réellement pas de fin à ses détours, — à ses incompréhensibles subdivisions. Il était difficile, à n’importe quel moment donné, de dire avec certitude si l’on se trouvait au premier ou au second étage. D’une pièce à l’autre on était toujours

  1. L’Homme des foules.