Page:Barine - Névrosés : Hoffmann, Quincey, Edgar Poe, G. de Nerval.djvu/300

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cher sans chapeau, sans argent, sans vêtement presque, par suite d’aventures que Dumas raconterait si bien qu’on n’en pourrait pas croire un mot, tant elles sont fantastiques, toutes vraies qu’elles soient ? » Il apprenait des chemineaux à voyager économiquement, et s’en tirait presque toujours : « Il savait si bien n’avoir pas le sou, n’avoir pas de feu, ni de lieu, n’avoir pas de gîte, errer, vagabonder ! son corps faisait comme son aimable esprit, il se laissait aller tout droit, ou tout de côté, peu lui importait pourvu qu’il allât[1]. » Au pis aller, les amis de Paris recevaient une lettre les avertissant que « le bon Gérard » était échoué à Naples, ou au fond de l’Allemagne, et les priant de lui faire envoyer de l’argent par son journal. Il n’y avait qu’en France que ses aventures tournassent quelquefois au tragique. Notre pays était encore soumis au régime des passe-ports, et l’on croira sans peine que Gérard de Nerval perdait le sien, quand il en avait un. Il couchait alors en prison et était reconduit de brigade en brigade, enchaîné comme « un héros de l’Ambigu », jusqu’à une ville où il pût se faire reconnaître ; mais il racontait ces catastrophes sans amertume, persuadé que c’était toujours sa faute, et il s’extasiait sur la politesse des gendarmes, du commissaire, du substitut, du geôlier, de tout le monde sans exception : « J’étais dans mon tort, concluait-il. Je ne trouve de trop que le cachot et les fers. »


III

Une seule fois, les choses prirent un tour plus sérieux. On sait combien les émeutes furent fréquentes dans les premières années de la Monarchie de Juillet.

  1. Lettre du 30 septembre 1855. Fonds Arsène Houssaye.