Page:Barine - Névrosés : Hoffmann, Quincey, Edgar Poe, G. de Nerval.djvu/362

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je dois passer ici pour un prophète (un faux prophète), avec mon langage parfois mystique et mes distractions. »

« … À un ami : — Ayant fraternisé avec les étudiants au bal des savetiers, j’ai bu plus de bière que de raison, en voulant faire le crâne, ce qui, joint avec les invitations des deux jours suivants, m’a rendu assez fantasque dans cette ville. J’ai fait tant de bruit à l’hôtel de la Fleur, que je crois qu’il y a des gens qui en sont partis à cause de cela, des femmes peut-être, malheureusement, que l’on n’a qu’entrevues. Hé bien, les garçons sont si polis dans cet établissement, qu’on ne m’a fait que des observations détournées sur ce que je ne me rendais peut-être pas bien compte des heures. — J’ai dit : — Mais je n’ai pas de montre, et le jour paraît de bonne heure ; est-ce que j’ai dérangé quelqu’un ? il fallait me le dire. — Le garçon m’a dit : — Monsieur sait bien ce qu’il fait. — J’ai répondu : Pas toujours. »

Il y avait cependant progrès. Sa raison avait repris son poste d’observation. Elle surveillait le « frère mystique », et l’obligeait prudemment à dissimuler.

À Georges Bell : « (Neuenmarkt, 27 juin.) Je viens de passer un mois à visiter l’Allemagne du midi. Je me suis clarifié l’esprit et j’ai repris la forte santé des jeunes années… Je vous ai écrit de Strasbourg, où les réceptions et les invitations m’avaient encore un peu agité. Pour éviter ces occasions, j’ai vu fort peu de monde depuis, et j’ai pris de la force dans la réflexion et la solitude. J’ai beaucoup travaillé et j’ai même de la copie que je ne veux pas envoyer légèrement ; le principal, c’est que je suis fort content et plein de ressources pour l’avenir. Du résultat de ce mois seul, il y a de quoi travailler un an ; je me suis découvert des dispositions nouvelles. — Et vous savez que l’in-