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applaudi, qu’il y ait même poussé, il n’y a rien dit qui doive étonner de sa part ou qu’on puisse lui reprocher. Aussi était-il bien placé pour proposer, le 13 août, l’adresse aux Français contenant l’Exposition des motifs d’après lesquels l’Assemblée nationale a proclamé la convocation d’une Convention nationale et prononcé la suspension du pouvoir exécutif dans les mains du roi, en attendant la proclamation de la République qui doit être l’œuvre de la Convention convoquée.

Quant aux massacres de septembre, M. Sainte-Beuve, dans une Causerie du Lundi (3 février 1851), d’ailleurs pleine de fiel et fort injuste pour Condorcet, cite une phrase d’un article de la Chronique de Paris, du 4 septembre 1791, signé du nom de Condorcet, qui, si cet article est réellement de lui, dénote de sa part une coupable faiblesse en face de ces scènes de boucherie. L’auteur de cet article les explique au lieu de les flétrir, et il tire le rideau, au lieu de l’ouvrir très grand pour en dévoiler l’horreur dans le temps même où elles s’exécutaient. Cette attitude, toute passive, fut en général — il faut le dire — celle des Girondins et de l’Assemblée législative. Mais est-ce que Condorcet, l’homme de bien et bon que nous connaissons, pouvait approuver de tels massacres ? L’esprit de parti aurait donc bien perverti la conscience de ce sage qui, au début de la Révolution, avait flétri les meurtres de Foulon et de Berthier et reproché à Barnave sa fameuse phrase : « le sang qui vient de couler était-il donc si pur ? ». Arago cite dans sa Notice un jugement de Condorcet sur ces massacres, écrit dans sa retraite en 1793, qui, tout en cherchant à expliquer plus ou moins heureusement l’attitude trop passive dont je viens de parler les flétrit au moins comme il convient.