Page:Barni - Les Moralistes français au dix-huitième siècle, 1873.djvu/135

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
120
SIXIÈME LEÇON

xviiie siècle (t. I, p. 362), serait de bon goût s’il n’était encore plus d’une belle âme. Comme Marivaux, quoique excellent homme, était d’une humeur assez difficile et surtout prompt à s*aigrir dans la dispute, Helvétius, lui-même assez vif, se fit une loi de le ménager plus que tout autre, dès qu’il l’eut pour obligé : « Ahl comme je lui aurais répondu, disait-il un jour, si je ne lui avais pas l’obligation d’avoir bien voulu accepter de moi une pension qu’il eût refusée de tout autre, d — Il fit aussi une pension de mille écus à Saurin, afin qu’il pût cultiver tranquillement les lettres ; et quand celui-ci voulut se marier, il l’obligea d’accepter les fonds de la pension qu’il lui faisait. Parmi les littérateurs qui eurent part à ses bienfaits, on cite encore l’abbé Sabatier, personnage peu estimable, il est vrai, mais dont Helvétius ne pouvait connaître à cette époque la bassesse et la vénalité ^ Il eut la main plus heureuse en venant en aide à Thomas, au futur auteur des Éloges de Descartes et de Maro-Aurèle, qui lui en témoigna sa recon naissance en des vers aussi honorables pour l’obligé que pour le bienfaiteur, et qui lui-même, à son tour, quoique pauvre, imita les exemples de celui-ci, en ouvrant sa bourse à des écrivains encore plus malheureux que lui.

Ce qui ne montre pas moins que ses bienfaits la générosité et la noblesse de son âme, c’est la manière même dont Helvétius exerçait ses fonctions de fermier général dans un temps où l’orgueil et la dureté envers le peuple étaient l’apanage ordinaire des finan-

Après avoir écrit au xviiie siècle pour et contre les philosophes, et avoir trafiqué de sa plume en Angleterre et en Allemagne à l’époque de la Révolution, Fabbé Sabatier obtint des Bourbons en 1814 une pension qui ne l’empêcha pas de dénigrer ses protecteurs.