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L’APPEL AU SOLDAT

mots à Bouteiller dans l’entourage du baron de Reinach. Il sentit le mors, eût voulu se cabrer, mais il réfléchit, et la Vraie République exigea, elle aussi, la démission de Grévy. L’ancien professeur se consolait avec les nécessités de la politique et en songeant que de très grands hommes d’État ont dû publiquement justifier des mesures qu’en leur secret ils déploraient.

Acculé, le vieux Président se résigne, discute, diffère et jamais ne décampe. Pour lui succéder, on désigne M. Jules Ferry, odieux aux radicaux et aux conservateurs, et c’est de leur aversion que Grévy attend un prolongement de bail. Les opportunistes le vouent à la mort en déclinant ses offres de portefeuille ; il ne renonce point à débaucher quelques ministres. Un de ses agents, M. Granet, bat le pavé pour trouver « un homme considérable jouissant d’une grande autorité. »

Comme aux jours de l’incident Schnæbelé, le pays s’agite. Énergie inférieure, parce qu’elle ne comporte pas l’acceptation d’un sacrifice, mais tout de même vertueuse, parce qu’elle eût mené le peuple de Paris à envahir l’Élysée et le Palais-Bourbon, et c’est vraiment un mérite civique d’assurer les services de voirie en balayant ces détritus. Le général Boulanger retrouve ses grands amis de la Chambre qui l’avaient un peu oublié. Ils estiment qu’on pourrait injecter sa jeune popularité au vieillard que la place de la Concorde, les Champs-Élysées, grouillants de peuple et de bandes organisées, huent depuis huit jours, sans s’interrompre, sinon pour chanter : Il reviendra quand le tambour battra. Prié de donner une satisfaction immédiate à la population parisienne par