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LES PRINCIPAUX THÈMES BOULANGISTES

tout droit à l’idée essentielle de cette opération ; c’était de prouver qu’il occupait la pensée de la France. Il résuma leur entente dans ces mots :

— L’essentiel n’est pas d’être élu, mais d’avoir des voix partout.

Georges Thiébaud, avec une voix chaude, parle cette langue peu souple, mais saisissante et d’un fort relief qu’on devrait appeler le style consulaire. Il a un front volontaire, le don des formules, une rare puissance de persuasion. Avec le goût et la capacité d’imposer sa discipline, peut-être ne saurait-il se soumettre à aucune. Cet homme, au teint brouillé, à l’énergique profil de partisan, est d’une humeur qui le voue à s’isoler et à se distinguer. Dans ce premier instant, nous n’avons qu’à admirer cette constante solitude de son ambition. Sûr de paraître une recrue précieuse aux partis existants, il est noble d’idéalisme quand il se refuse à l’enrégimentement opportuniste ou orléaniste, en un mot, parlementaire. Dès 1883, il a proposé au parti bonapartiste la suppression de l’hérédité pour ne garder que l’élection par le peuple. Qu’il doit être heureux, dans ce wagon où il trouve l’homme qu’on peut mettre sur le pavois !

Leur entretien nocturne continuait. Le général Boulanger dit :

— Combien faudra-t-il par département ?

Voici donc qu’elle apparaît, la question d’argent, si grave, si dominante bientôt. En février 1888, on fit les choses d’une merveilleuse économie. Le Général fournit dix mille francs, Thiébaud quatre mille. Une fois l’affaire commencée et les idées échauffées, le Général trouva six mille francs, et plus tard quatre à