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L’APPEL AU SOLDAT

n’était que luxe, bel ordre, puissance et confiance, puisqu’elle souriait à Sturel.

Alors pensant que, pour saisir tous les objets de ses appétits, il devait rapidement grandir, il se rapprocha du Général. Comme tous les invités de ce soir, mû par son intérêt, il allait chercher la force où les événements lavaient mise.

Dans ce moment, ceux que le bonapartiste avait appelés les « chefs de la Bourse » exprimaient d’une façon discrète leur répugnance pour de nouvelles candidatures du Général :

— Une suite de casse-cou où chaque fois le parti remet tout en question.

« Ils les trouvent trop coûteuses ! » pensa immédiatement Sturel.

— N’ayez pas peur, leur répondit Boulanger, j’aurai des hauts et des bas, mais je retomberai toujours sur mes pattes.

Dillon enveloppait d’une admiration amoureuse son Général ; les deux argentiers riaient avec cette frivolité qui est d’uniforme chez les gens du monde et pour masquer la pensée sérieuse de l’entretien. Boulanger posa affectueusement sa main sur l’épaule de Sturel et, le présentant à son cercle, il coupa une conversation qui lui déplaisait :

— Mes amis sont plus nombreux que vous ne pouvez le supposer, car nul de nous n’est en mesure d’énumérer leurs mobiles indéfiniment variés. Tenez, voilà l’un de mes meilleurs fidèles : demandez-lui pourquoi, un beau matin, il est monté jusqu’à mon cabinet ; c’est pour des raisons historiques et philosophiques que je n’ai jamais comprises.

— Comprenez-vous votre étoile, mon Général ? —