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UN SOLEIL QUI VA BIENTÔT PÂLIR

d’oser davantage. Le 7 mars, un décret termina l’exil qui désolait le duc d’Aumale depuis 1880 : on donnait un gage aux conservateurs, et puis le duc gênerait la propagande boulangiste dans les salons royalistes. Enfin on parlait chaque jour davantage de constituer le Sénat en Haute Cour. Mais sa plus grande satisfaction, Bouteiller la reçut de Mouchefrin.

Ce polisson lui fit passer une lettre à la Vraie République : « Mon cher maître, ma démarche vous surprendra parce que mon masque boulangiste est solidement fixé, et sans doute vous méconnaissez les traits réels de votre fidèle et reconnaissant disciple. Je suis en mesure de vous dévoiler, avec preuves, les mesures prises à l’égard de M. Constans par le général Boulanger. Monsieur le ministre, averti à temps, évitera de graves ennuis. Je me plais à penser que vous me pardonnerez cette importunité, qui m’est inspirée par mon dévouement à votre personne et à la République, et que vous ne refuserez pas mon concours aussi discret que dévoué. »

Bouteiller, pour l’ordinaire fort difficile à joindre, fit introduire immédiatement son ancien élève.

Le matin même, Boulanger avait invité le journaliste Ducret à se préparer pour un voyage à Nancy. On y annonçait un procès d’où ressortirait une concussion de Constans avec un sieur Baratte.

— Procurez-vous une copie du dossier, avait dit le Général à son agent, mais je ne vois jusqu’à cette heure rien d’irréparable avec Constans. S’il connaît votre mission, il nous dispensera peut-être de recourir aux moyens extrêmes. Vous l’avertirez, sans en avoir l’air, grâce à la jolie collection de mouchards qui décore mon escalier.