devant, derrière, à droite, à gauche, et, jugeant qu’un publiciste aussi violent devait être très sûr, s’ouvrit à lui sans précaution ;
— Il y a quelque chose qu’un homme capable d’agir sur notre public doit savoir, afin d’apprécier sainement la situation du Général. Quand il commandait le 13e corps, il est allé à Prangins visiter le prince Napoléon.
Renaudin prit la physionomie d’un politique qui a tout vu, tout entendu, tout excusé. Il apprit des détails qui ne laissaient pas douter.
— Notre ami se fit annoncer sous le nom de « commandant Solar ». Dans une vitrine du grand salon qui donne sur le lac, le prince lui fit voir des reliques napoléoniennes, et, prenant une épée : « Voilà l’épée d’Austerlitz. » — « En êtes-vous bien sûr ? » répondit assez platement Boulanger. — « Bien sûr, monsieur ! Croyez-vous donc que je l’ai achetée chez un marchand de bric-à-brac ? Elle me vient du roi mon père. » Puis se radoucissant, le prince ajouta : « Général, quand vous aurez délivré notre pays de la tourbe qui l’oppresse, elle vous appartiendra. »
— Lorsque nous publierons l’anecdote, beaucoup plus tard, répondit Renaudin, je vous propose une variante : « Général, quand vous aurez rendu Metz et Strasbourg à la France… »
L’observation déconcerta une seconde le bonapartiste qui reprit en conclusion :
— Croyez-vous que cela suffise à perdre le Général ?
— Il serait fusillé comme un lapin ! dit Renaudin, à qui cette idée donna un bon moment de gaieté.