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LA VALLÉE DE LA MOSELLE

c’est la partie inférieure du tronc d’arbre ; on appelle « aibruyénie » un objet placé pour épouvanter les animaux… En français, vous n’avez ni l’objet ni l’expression. Un avocat de Paris ne peut pas s’y intéresser. Nous ennuyons M. Sturel.

Les deux jeunes gens protestèrent, Saint-Phlin tout à fait exalté :

— Voilà un vocabulaire très précieux ! Il prouve que, sur plusieurs points, nous, autres Lorrains, nous avons une imagination extrêmement fine : nous saisissons des nuances. Naturellement, le fonds est réaliste, mais avec des indications poétiques. Ainsi, « daier » se dit de l’acte d’intriguer aux fenêtres les filles qui veillent, en leur récitant d’une voix contrefaite des facéties, des « dayots ». « Biki » se dit des animaux qui prennent la fuite en levant la queue. Le « chin-bianc » est une bête fantastique qui saute par-dessus les enfants endormis dans les champs, ce qui les rend paresseux. Les jeunes gens admirèrent beaucoup « hhohhelu », qui signifie le bruit que font les feuilles sèches, et Saint-Phlin rappela un mot arabe, célébré par Théophile Gautier, qui veut dire « son de la pluie dans la pluie ».

Mme  de Saint-Phlin ignorait plusieurs de ces termes.

— On les cite dans les glossaires, répondait son petit-fils.

On envoya le domestique s’informer à la ferme. Sturel, à son tour, rappela deux proverbes de Neufchâteau : « Près d’mottei, lon d’Deie : près de l’église, loin de Dieu. » Et cet autre : « C’qu’est peut est malin : ce qui est laid est encore méchant. » Voilà un mot susceptible de plusieurs interprétations. Il