Page:Barrès – L’Appel au Soldat.djvu/289

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
283
LA VALLÉE DE LA MOSELLE

tion est maintenant une intrigue politique… Heureusement on aime toujours le Général dans le peuple, dans nos campagnes. Il y a un état sentimental. Ce n’est pas mauvais, bien au contraire, cette première phase toute instinctive, mais voici que vous agissez, vous autres meneurs : vous engagez par vos actes le traitement du malade ? Et comment agissez-vous ? Selon le cerveau de M. Naquet… Ces grandes forces excitées et non dirigées peuvent produire soudain de terribles effets, des accès. Voilà pourquoi j’ai voulu que tu visses Varennes. C’est pour te donner le sentiment de la mobilité de l’esprit politique en France, J’en suis convaincu, si tu pouvais garder l’impression intérieure que t’a donnée cette ville de Varennes, morne et puis, soudain, capable de tant vociférer, tu saurais avertir le général Boulanger.

Sturel trouvait assez justes ces observations, mais, un peu énervé, il prétendait qu’un homme d’action ne doit pas écarter un plan de campagne sans faire une proposition ferme.

— Pardon, répondait l’autre, je ne suis pas un homme d’action. Je ne te conseille même pas ; je te renseigne. Le boulangisme, qui devrait être une conscience nationale, n’est jusqu’à cette heure qu’une fièvre. Puisqu’il s’agit d’une tentative dictée par la piété nationale, je voudrais qu’en toi cette piété s’appuyât non seulement sur la générosité de ton âme, mais sur la connaissance de la réalité. Tu veux donner une direction commune aux énergies françaises, les coordonner ; il faudrait d’abord nous rendre compte de ce qu’elles sont dans l’état actuel et puis analyser dans quelles conditions elles seraient