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LA VALLÉE DE LA MOSELLE

— Ces populations mosellanes, se disaient-ils, possèdent la paix et la sécurité. Tout porte à croire que ce sont les fins qu’elles poursuivaient au cours de leurs transformations successives. Mais alors ! des événements que nous tenons très importants leur paraissent négligeables, s’ils ne les dépossèdent point de ce bien, présumé principal ? Il leur fut très sensible d’échanger l’ordre romain, c’est-à-dire le règne de la loi, contre l’anarchie féodale où dominaient seules les volontés individuelles. Ce fut aussi un grave changement, quand cette population qui avait supporté le bon plaisir du seigneur de Sierck pour qu’il la protégeât, qui avait ensuite à ses risques et périls géré directement les intérêts de sa municipalité autonome, trouva maître, protecteur et gérant là-bas, dans les bureaux de Versailles. Mais aujourd’hui que la domination est impersonnelle et que le maître ne procède pas selon une volonté particulière, mais par la force abstraite de la loi, qu’importe, semble-t-il, si le centre administratif pose à Paris ou à Berlin, si le drapeau tricolore fonce son bleu jusqu’au noir ? Qu’importe qu’elle se nomme France ou Allemagne, l’immense collectivité dont la petite ville subit les conditions générales ? De cette collectivité, Sierck vient de recevoir un beau chemin de fer. Il détruit une partie importante de l’agrément du site, car ses talus masquent la Moselle qui jusqu’alors baignait la ville, mais il donne du bien-être. Cet immense avantage et ces légers inconvénients, que la petite ville à elle seule eût été incapable d’organiser, lui furent attribués par les tout-puissants ingénieurs de l’État. Les pouvoirs appartiennent aux délégués d’une longue hiérarchie,