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L’APPEL AU SOLDAT

ral. Le jeune homme resté seul avec Laguerre lui dit à l’improviste :

— Et si ça ne réussissait pas ?

Laguerre ferma les yeux, se passa la main sur le bas de la figure et dit :

— C’est impossible !

Il y eut un silence. Sturel se troubla de l’effet produit. Ce lui fut une révélation sur les angoisses des ambitieux. Il comprit que, sans oser se l’avouer, Laguerre doutait et entrevoyait l’effondrement. Mais, se ressaisissant, le député de Vaucluse affirma que le Général rentrerait avant les élections et par là déterminerait un mouvement irrésistible.

Sturel, introduit à Portland Place, trouva le chef toujours pareil à lui-même et aux photographies dont la France était tapissée. Boulanger, debout, la tête un peu inclinée à gauche, familier, frivole et le regard froid, l’interrogea sur leurs amis de Paris et sur Mme  de Nelles. Mais le jeune visiteur ne se prêta pas à cet évident désir d’un homme excédé, qui cherchait son repos dans des curiosités superficielles.

— Mon Général, j’ai vu les listes de M. Dillon pour les départements de l’Est, dont vous m’avez invité à m’occuper. Sauf pour Nancy, où le parti s’organise sur place, les choix semblent mauvais.

Tout de suite, l’accent de Boulanger s’énerva :

— Nous enregistrons les désignations locales. D’ailleurs le Comité national, Naquet et les autres, qui sont des hommes politiques, discuteront les projets de Dillon.

— Mais si l’on n’a pas fait surgir les bons candidats ? Je vous assure, mon Général, que des électeurs qui vous aiment et se déclarent boulangistes refuse-