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BOULANGER S’ESSUIE LE VISAGE DEVANT STUREL

Dillon n’étant pas parvenu à installer où il convenait des candidats boulangistes, le baron de Mackau les suppléait par des conservateurs et refusait, en conséquence, de verser à Londres treize cent mille francs qui, selon lui, n’avaient plus d’objet. La violence de Renaudin emplissait cet hôtel désordonné, et, par toutes les portes ouvertes, ses éclats, ses révélations, des chiffres si énormes, parvenant jusqu’aux solliciteurs, candidats, agents électoraux, fonctionnaires révoqués qui grouillaient dans les escaliers, avivaient leurs appétits. Fort légèrement, le Comité national avait promis aux malheureux que le ministre jetait sur le pavé de continuer leurs appointements, et, faute plus grave, on ne pouvait pas remplir cet engagement. Par crainte de ces affamés prêts pour une jacquerie, Constans ne sortait jamais qu’en voiture fermée. Mais les propos de Renaudin détournaient leurs fureurs, les soulevaient contre le Comité national et contre les employés de la Permanence, qui, chargés de faire face sans munitions à de tels agresseurs et mis à bout d’énervement, dénonçaient, à leur tour, les grands chefs, les Dillon, les Naquet, comme traîtres au Général. Sur le nom de ce dernier, le courant se brisait, faisait encore plus de mousse. Ces fiévreux, dont le sort se jouera au scrutin du 22 septembre, élèvent vers Boulanger des sentiments pareils à ceux du Napolitain fanatique de la loterie qui supplie et menace la Madone. Ils le chargent des injures les plus odieuses à l’idée qu’il refuserait jusqu’au bout de rentrer. C’est quelque chose à la fois de vil et de fort. Ces pauvres gens se font du boulangisme une idée bien inférieure au sentiment désintéressé d’où il naquit,