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LA JOURNÉE DÉCISIVE

chemises, des pantalons. Elle détestait M. de Nelles, si butor envers les fournisseurs qu’elle craignait de le rencontrer rue de Prony. Elle aimait peu l’air distrait de Sturel ; cette désapprobation froissait Mme  de Nelles, qui désira lui faire connaître Rœmerspacher pour en avoir des compliments. Elle se voyait comme une petite reine, autour de qui chacun s’aime. Cette fine mouche de Rosine, très experte en affaires, venait d’acheter aux environs de Paris une propriété pour ses dimanches. On décida d’aller dîner chez elle le 22 septembre.

Combien il fallait que Rœmerspacher eût changé depuis quelques mois ! Il se réjouissait de ce voyage, de cette journée où Thérèse serait sous sa protection, et d’aller la prendre à Saint-James, d’admirer la gentille simplicité de sa robe, de son ombrelle, de son chapeau campagnard, une simplicité qui ferait tourner toutes les têtes, mettrait dans tous les yeux un sourire d’indulgence comme devant la faiblesse la plus touchante. En voiture, puis sur le quai de la gare, dans le train, ils ne pouvaient pas se regarder sans sourire.

— À quoi pensez-vous ? se disaient-ils l’un à l’autre.

— Au plaisir d’être ensemble et au début d’une belle journée.

Pourtant la jeune femme gardait une grande préoccupation : plaira-t-il à Rosine ? Mais elle se rassurait en vérifiant qu’il s’habillait bien mieux, et vraiment, sauf qu’il ne pouvait rien porter de tout à fait élégant, il avait d’ensemble très bon air.

Ils se connaissaient beaucoup maintenant. Tout l’été, tandis que Sturel voyageait en Lorraine, à