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LA PREMIÈRE RÉNION DE JERSEY

pression officielle et d’énergie, avait passionné plus qu’aucune les deux partis ; elle le laissait tout meurtri de coups qu’il n’avouait pas et que depuis un an préparaient les terribles accusations de Renaudin. Celui-ci pourtant s’associa au salut profond que firent, en se rangeant, Suret-Lefort et Nelles. Ils blâmèrent Sturel d’avoir dévisagé avec indifférence son ancien professeur.

— Nous sommes ici en service commandé, disait Renaudin ; pourquoi mêler à nos rapports de représentants du peuple des querelles qui ne peuvent que gêner nos travaux communs ?

Dans cette première journée, Sturel parut absurde à ses amis parce que ni son succès personnel, ni l’insuccès du parti ne modifiaient ses idées. Quant à eux, leurs voix même muaient. Suret et Nelles naviguèrent pour aborder Bouteiller. Sturel rejoignit ses amis, les Déroulède, les Dumonteil, les Pierre Richard, les Ernest Roche, les Gabriel (de Nancy). Renaudin s’occupa de racoler des sympathies.

L’attitude des journaux parlementaires annonçait de nombreuses invalidations. Élu à une faible majorité et pourchassé par d’innombrables rancunes, l’ancien reporter se jurait de se maintenir. Il n’admettait pas qu’une si furieuse bataille ne lui laissât aucun bénéfice, d’autant qu’il savait bien à quelles humbles besognes le rejetterait la perte de son mandat. Mais il fit vainement appel aux camaraderies de la presse ; par jalousie de sa réussite, on lui souhaitait le pire. Parmi les députés, il n’osait aborder que des comparses, quand la veille encore il insultait à bouche perdue les chefs avec des renseignements obtenus jadis dans leur familiarité.