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L’APPEL AU SOLDAT

n’accourussent le fatiguer de leurs supplications. Précisément à onze heures, Sturel apportait rue Montoyer le plan de sa campagne sur le Panama. Sans posséder des preuves juridiques, il avait du moins assemblé une suite de faits certains qui, portés à la connaissance publique, suffisaient pour jeter bas les principaux parlementaires, pour déconsidérer le système et, croyait-il, pour rouvrir les portes au boulangisme.

— Le Général est sorti par exception ce matin, dit Mouton à Sturel.

— Pensez-vous que je le trouverai après son déjeuner ?

— Certainement, il vous recevra.

— Placez alors ce mémoire sur son bureau. J’aimerais qu’il en prit connaissance avant ma visite.

Mouton, petit homme doux, de tournure élégante, entra dans le cabinet, et Sturel l’entendit soupirer avec effroi : « Oh ! mon Dieu ! » Il dit encore : « Excusez-moi ! » et courut dans la maison en appelant d’une voix étouffée. Il resta une seconde dans la chambre de M. Dutens, et les deux hommes, la figure défaite, repassèrent devant Sturel, avec des gestes excessifs de tout le corps ; lancés dans l’escalier, ils se raidissent pour n’être pas précipités par leur élan. Ils sortirent de l’hôtel, et le visiteur, épouvanté de cette scène, dont il entrevoyait le sens, étant descendu, les vit monter chacun dans un fiacre.

En vérité, sont-ce des sages ou des amis de s’opposer à une solution qui représente pour son auteur la plus grande somme de bonheur possible ? Ni des sages ni des amis, mais de bons patriotes. C’est un Français précieux, celui qui va tomber au cimetière