Page:Barrès – L’Appel au Soldat.djvu/96

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
90
L’APPEL AU SOLDAT

le drapeau. Les témoignages tumultueux et spontanés de cette soirée ont rajeuni en lui les facultés d’émotion… Ses adversaires, les Rouvier, les Ferron, peuvent prendre le dessus pour un moment, ils ne savent pas parler à la nation. Qu’elle soit appelée à choisir, c’est le vaincu du jour que son immense majorité leur préférera. Pendant qu’ils nouent des intrigues et dressent des embûches, et quand la politique c’est leur métier, il a trouvé le cœur du pays. Il se complaît à deviner la fureur de ces hommes indignes.

Il le sait, sa popularité n’irrite pas seulement ses adversaires, mais certains amis. Sur le quai, tout à l’heure, il n’a vu que des radicaux de second rang. Les chefs se sont abstenus. Il se rappelle certains détails de la veille, au dîner chez Laguerre : les fenêtres ouvertes, on entendait le chuchottement de la foule amassée dans la rue ; un orgue de barbarie se mit à moudre « En revenant de la revue… » ; quel mouvement d’irritation passa sur les figures de Clemenceau et de Pelletan !…

Des défections possibles, des traquenards certains font bouillir le sang d’un soldat. Ce général qui prêcha toujours l’offensive comme la vraie tactique française, brûle de se jeter à l’assaut ; il mènera une rude lutte depuis Clermont-Ferrand.

Quelle lutte ? — contre les opportunistes pour rentrer au ministère de la Guerre.

Il a des vues professionnelles très précises et qui tendent toutes à la préparation de la Revanche : et puis, convaincu de la valeur décisive de l’élément moral dans une armée, il pense avoir beaucoup agi en rassurant les Français sur eux-mêmes et sur leur