Page:Barrès – Leurs Figures.djvu/189

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
185
LA PREMIÈRE CHARRETTE

l’épouvante et la pitié dont nous avons très peu l’emploi dans nos vies modérées. C’est un bon document sur la terreur dans les assemblées politiques.

Après ces amputations, la Chambre semblait à bout. Vers sept heures pourtant, on dit dans les couloirs que d’un nouvel élan, plus imprévu encore, on repartait sur un nouveau scandale. Cinq heures de drame n’avaient-elles été qu’un magnifique lever de rideau ? Le cirque parlementaire, plus avide que les arènes de Valence ou de Séville, dédaigne-t-il de boire, de manger, de souffler, pourvu que l’on provoque, que l’on trahisse, que l’on exécute ? Que projette-t-on maintenant ? De faire justice du justicier, d’étrangler le traître qui tous étrangla, Jules Delahaye ? Mieux que ça ! On va débusquer, pousser du toril dans l’arène l’animal le plus fier de tout le pâturage parlementaire, le petit taureau au large poitrail, au mufle carré, celui qui épouvante les meilleurs « espadas », M. Clemenceau.

Rien ne déforme plus l’histoire que d’y chercher un plan concerté. Les ennemis du parlementarisme ne manœuvraient pas avec une discipline commune, mais dans le dessein et selon la chance du moment. Ne pensez point à une armée avec un chef qui commande et qui traite. Des volontaires fabriquent, aiguisent dans l’ombre des