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L’ENVERS DE L’HÉROÏSME

tager le dîner des deux pauvres, il leur apportait des provisions. La Léontine devint sa maîtresse par reconnaissance. Il accusait la Révolte de modérantisme, parce qu’elle blâmait les « actes » de Pini et de Duval, qui venaient d’enthousiasmer les compagnons par leurs « reprises individuelles ». La Léontine faisait des ménages. Elle renseigna ses deux amis sur des bourgeois de la rue du Château, à Montrouge, qui chaque semaine allaient dîner chez leur fille établie boulevard Diderot.

Un dimanche, le mécanicien les guetta, les suivit et, les sachant à table, revint prendre Fanfournot. L’appartement à dévaliser était au premier étage, et du palier, tandis qu’ils cherchaient à faire sauter la porte, ils voyaient en se baissant, à travers la cage de l’escalier, le haut de la suspension chez la concierge, d’où leur montaient les bruits d’assiettes. Sur une porte, on fait les pesées d’abord dans le haut, puis on introduit un coin, puis on pèse plus bas, et ainsi de suite jusqu’à ce que tout cède. Avec des soins, ils entrèrent presque sans bruit. Dans un appartement de petits bourgeois, il faut aller tout droit à la chambre à coucher : c’est là que sont les valeurs. Ils admirèrent les rideaux du lit, les dentelles, toutes les tentures bleues : « On aurait dit une chambre de jeunes mariés chez ces vieux-là. » Le coffre-fort était d’un ancien type, en feuilles de tôle superposées. Ces meubles n’ont souvent que trois côtés