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LES BOUCS ÉMISSAIRES

gardés par des municipaux, ils se nommèrent et l’officier de paix s’inclina si drôlement : « Députés ! comment donc ! passez, messieurs ! » que la foule ricana de la façon la plus insultante. « Ils y entrent plus aisément qu’ils n’en sortent », disait-on.

Les accusés tenaient leurs figures flétries constamment tournées vers leurs collègues venus en voyeurs. Quelles pensées ceux qui étaient pris échangeaient-ils avec les autres ? Nul signe du moins, car le public narquois les surveillait et disait qu’il y a toujours des injustices et qu’on avait donné aux six un tour de faveur.

Le baron de Nelles ayant déclaré, d’un ton fort aristocratique :

— Bigre ! ça ne sent pas bon ici.

Quelqu’un répondit :

— Ça sent les boucs émissaires.

Cette semaine des boucs émissaires, après les scandales du Palais-Bourbon, après la « Première Charrette », après la « Journée de l’Accusateur », demeure surtout mémorable par son caractère canaille. Tout ce monde d’avocats, renseigné sur cette comédie politico-judiciaire, ricanait, sifflait, crachait. Les plus naïfs stagiaires disaient :

— Leur crime, c’est de s’être laissé pincer.

Le 21 mars, tous, sauf Baïhaut, furent acquittés. L’innocent Sans-Leroy retourna avec son beau