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LETTRE DE SAINT-PHLIN

les carrières douteuses de Renaudin, de Mouchefrin. Transportés de notre Lorraine dans Paris, ils adoptèrent des idées et des mœurs qui peuvent valoir pour d’autres, mais où ils n’étaient point prédestinés. Reniant leurs vertus de terroir et impuissants à prendre racine sur les pavés de la grande ville, ils y furent exposés et démunis. Les cafés devenus les tuteurs de ces orphelins volontaires les engagèrent dans la voie au bout de laquelle le boulevard acclame ses favoris. Elle ne convenait assurément pas à nos humbles camarades. Privés des crans d’arrêt que leur eussent été leurs compatriotes, ils glissèrent à la déchéance où nous les voyons. Regarde au contraire Rœmerspacher. Je ne partage pas toutes ses opinions, car nous eûmes au même sol des berceaux différents ; mais je dis que voilà un homme, parce qu’il reste profondément lorrain et qu’au lieu de se laisser dominer par les éléments parisiens, il les maîtrise, les emploie selon sa guise. J’ignore s’il trouvera de grandes occasions où donner sa mesure, mais toutes les circonstances se dénoueront pour lui dignement, d’une manière harmonieuse à son type, car il appliquera le fameux proverbe de son grand-père : « Quand on monte dans une barque, il faut savoir où se trouve le poisson. »

« Voilà des réflexions, Sturel, dont s’étonneraient seuls les Français qui ne diagnostiquent