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LE SABBAT NORTON

publia sans s’inquiéter de leur origine inconnue, de leur orthographe honteuse et de leur niaiserie. On peut aussi admettre que Millevoye tomba dans le piège classique d’un faux fourni par ceux-là mêmes qu’il inculpe, afin qu’ils puissent crier à la calomnie. Cet expédient bien connu s’appelle « truffer un dossier ». Au plus brûlant des scandales Wilson, l’Intransigeant fut induit à publier la lettre d’un nommé Joubert qui prétendait avoir versé à M. Wilson une somme assez ronde pour obtenir la croix de la Légion d’honneur. On s’informa, on chercha : Joubert n’existait pas. On calomniait donc Wilson ! Un revirement d’opinion commença qui l’eût sorti d’embarras si des faits nouveaux ne fussent venus le charger.

Clemenceau n’avait pas parlé à la Chambre depuis sa terrible collision avec Déroulède (20 décembre) : Journée de la Première Charrette. Georges Thiébaud eut l’occasion de lui dire :

— Déroulède n’aime que ses idées ; si vous marchiez dans la direction plébiscitaire, vous le trouveriez avec vous.

Le lundi 19 juin, on discutait sur le renouvellement partiel. Thiébaud, des couloirs, envoyait billet sur billet à Déroulède, le pressant de le rejoindre parce qu’il voulait l’avertir que Clemenceau dénoncerait dans la réforme proposée une entreprise des oligarchies sur le suffrage uni-