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LE SABBAT NORTON

plus profonde immoralité, dans une lâche terreur. Depuis des mois, dans chaque retrait de fenêtre, des groupes embusqués se montraient un Rouvier, un Clemenceau, un Déroulède, tous les boulangistes, et disaient : « Est-ce l’instant de les lâcher ou de les entourer ? » Nul souci de l’intérêt général, mais chacun voulait sortir de l’indécision, prendre la bonne posture électorale pour ou contre le Parlement. Cette interpellation précédant de si peu les élections générales allait valoir devant l’esprit public comme jadis, devant le jury, le résumé du président.

Sans vouloir prendre aucune initiative, la majorité des députés souhaitaient l’écrasement de Clemenceau. Beaucoup de républicains du centre disaient à Millevoye :

— C’est donc aujourd’hui que vous nous débarrassez de cet individu ? Courage !

Clemenceau dans sa prospérité eut une certaine manière d’interpellation directe, quelque chose d’agressif et qui prenait barre sur tous. La familiarité du Petit Caporal avec ses grognards ? Non ! plutôt un tutoiement pour laquais. Des moutons eux-mêmes se fussent aigri le cœur à opérer la concentration sous la houlette de ce berger brutal. Mais l’impardonnable, c’était d’avoir suscité, facilité cette terrible affaire de Panama en livrant les papiers du baron de Reinach, la liste Stéphan, à Cornelius Herz.