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LEURS FIGURES

mel-Lacour, avec une justesse merveilleuse, a analysé les conditions qui rendirent possible cette exécrable fièvre : le boulangisme est né du manque de gouvernement dans un pays qui veut se sentir gouverné. Le parlementarisme, c’est une majorité décidée à suivre le gouvernement, lui laissant l’étude et le choix des résolutions, et combattant derrière lui selon la tactique qu’il a arrêtée. Mais, chez nous, les députés n’arrivent jamais à se libérer des soucis du candidat pour devenir des hommes politiques ; au lieu de servir le pays, ils s’appliquent à satisfaire dans la surenchère électorale leurs comités. Voilà contre quel mal a surgi par réaction le sentiment dictatorial auquel la France faillit se prostituer. Malgré cette dure expérience, M. Ricard nous remet sur la pente du plus misérable boulangisme ! Serait-il si naïf de confondre les principes de la morale avec les lois de la politique ? C’est beau, le culte des principes, mais c’est dangereux d’alarmer en leur nom la masse de la population. Par complaisance pour les exigences confuses d’une poignée de séditieux, par faiblesse devant les démonstrations d’un journal exploiteur de scandales, on se lance dans l’inconnu, et, sans espoir de rendre évident le néant de ces calomnies à des esprits décidés à écouter leur haine, on accorde un premier succès à des agitateurs qui ne s’en contenteront pas.