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LEURS FIGURES

politiques et peut-être le meilleur financier de la Chambre. Devant ce vainqueur, qui avait mis si peu à pointer et à percer, son envie et son étonnement s’exaspéraient jusqu’à l’admiration douloureuse.

Dans son délaissement, se voyant exclu de la tribune et bientôt de la Commission du budget, d’une façon si éclatante et si publique, après une si longue habitude de mener tout et de brutaliser tous, il s’occupa, par cruauté envers soi-même et comme il eût fait vis-à-vis d’un mauvais agent, à repasser les circonstances de son échec. Il ne porta pas un instant son esprit sur le fait initial, sur l’argent accepté en 1885 de la Compagnie de Panama pour son élection. Ce jour-là, il avait agi selon la nécessité et choisi le moindre mal, puisque la démocratie n’a pas encore l’esprit politique de supporter les frais électoraux de ses défenseurs. Mais il se reprocha de n’avoir pas trouvé les moyens d’action nécessaires pour asseoir son autorité. Cette impuissance n’était-elle point de la fatigue physique et le début de cet appauvrissement qui, chez quelques-uns, commence dès la quarantaine ? Bouteiller, qui avait toujours été dur envers les faibles, s’accabla avec acharnement. Il se rappelait le mot de son tailleur qui, cette semaine, lui prenant mesure d’une redingote, répétait à chaque minute : « Vous avez forci, monsieur, vous avez forci. »