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DÉRACINÉS, DÉSENCADRÉS…

Dans ce cadre d’essences forestières savamment échantillonnées, la vaste pelouse, avec sa précieuse colonne en marbre vert, sous les peupliers dont chaque branche remonte vers le ciel, lui parla. « Je suis une scène trop noble, disait-elle, et déserte faute d’acteurs suffisants. » Il éprouva de cette pensée une consolation et se répéta qu’il vaut mieux faire relâche que se satisfaire d’indignes jeux.

Tandis que des beautés sommeillantes servaient à Sturel pour qu’il se définît et qu’il approchât de ses propres secrets, les jardiniers qui préparaient l’hiver causaient, riaient entre eux et, sans le remarquer, le forçaient à les entendre.

— As-tu vu le chéquard ? disaient-ils.

Ce beau mot guerrier sortit Sturel de son vague.

Un chéquard ! Il eut le mouvement réflexe d’un chasseur à qui l’on signale un lapin.

— Et lequel ? demanda-t-il.

Ces braves gens lui expliquèrent que « cette canaille de Bouteiller » prenait le frais le long du Canal. Ils ajoutèrent :

— N’y aura donc personne pour l’y pousser ?

Bouteiller n’avait pu se dominer au point d’orner le triomphe de Suret-Lefort. Désireux de réagir contre sa néphrétique et de s’oxygéner, il avait gagné, comme Sturel, Versailles. Et depuis deux heures, sous le soleil de décembre, petite chose désobligeante, dure, cassante, gesticulante,