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DES ÉCLAIRS DANS LES TÉNÈBRES

lui-même ? Le fracas de ce poltron gras horripile Bouteiller.

En 1885, quand Bouteiller, professeur obscur, fut présenté au monde parlementaire, dans le salon de Jacques de Reinach, juif allemand, baron italien, naturalisé français, oncle et beau-père de Joseph Reinach, il subit une fascination que son ton cassant ne trahissait guère. C’était le Saint-Cyrien dans un cercle de généraux, le jeune poète dans un salon littéraire, l’ambitieux et le pauvre dans un milieu riche où il va trouver ses instruments de fortune : c’était un naïf et même, dans certaines parties profondes, un nigaud. Sa double initiation politique et financière, en occupant son âme de gros travailleur, ne laissa pas s’y former d’abord des objections. Elles s’imposèrent à son jugement après l’échec des valeurs à lots. En 1888, il s’écarta. Le baron en eut de l’amertume : « Les hommes politiques ont toujours peur », dit-il, mais lui-même il parut dès lors vulgaire au normalien et compromettant au député.

C’est à ce moment où il distinguait chez ce juif « vulgaire et compromettant » la prétention de le « faire marcher », que Bouteiller constata avec un sincère étonnement l’apparition d’un certain esprit public devant lequel les services qu’il avait rendus et les rémunérations qu’il avait reçues pourraient paraître coupables. Ce danger le ramena à s’intéresser aux affaires du financier quand